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Les risques de la pornographie chez les jeunes

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Béatrice Copper-Royer

Interview avec Béatrice Copper-Royer

Béatrice Copper-Royer est psychologue, clinicienne spécialisée dans l’enfance et l’adolescence et présidente de l’Association e-enfance. Elle alerte sur les risques de la pornographie chez les jeunes.

Que se passe-t-il quand on a regardé des vidéos trop jeune ?

Selon une étude, 62% des jeunes ont vu leurs premières images pornographiques avant d’entrer au lycée, mais tous les adolescents ne vont pas être marqués de la même façon : cela dépend de la personnalité de chacun. Les plus vulnérables vont être imprégnés de ces images, cela peut provoquer en eux un enfermement dans une vision caricaturale de la sexualité. Ils vont avoir tendance à considérer comme acquis un système extrêmement normé et violent, où la notion de consentement n’existe pas et où la femme est sans cesse méprisée. Plus concrètement, cela peut aussi dès le plus jeune âge créer une forme de déséquilibre dans l’accès au plaisir : certains garçons vont absolument avoir besoin que leur partenaire se comporte comme les actrices, d’autres vont s’imposer des pratiques ou des objectifs en termes de performance.

Les réactions à ces contenus diffèrent-elles lorsqu’il s’agit d’un garçon ou d’une fille ?

Le plus souvent, ce sont les garçons qui s’identifient à ces images réductrices, faute de recul ou d’explication. Comme la place de l’homme est sacralisée dans ces vidéos, ils vont avoir tendance à considérer comme normal les comportements imposés aux femmes. Dans leurs relations intimes, ils vont donc être amenés à imposer à leur tour ces situations à leur partenaire. Pour les filles, le comportement est plus ambivalent : bien qu’elles soient aujourd’hui imprégnées de l’idée du consentement, elles peuvent être tentées de s’aligner sur les diktats pornographiques, faute de repères concrets ou de confiance en elles. Cela peut les conduire à accepter certaines pratiques qu’elles ne souhaitent en réalité pas expérimenter ou plus concrètement, à se plier aux exigences de son partenaire. C’est le cas pour l’épilation intégrale du pubis par exemple, une pratique venue du porno.

Quels conseils donneriez-vous ?

Je souhaite d’abord leur répéter plusieurs fois que ces images ne sont pas du tout innocentes. Il est impératif qu’ils s’en détachent et apprennent à se faire confiance : la sexualité est un chemin qui s’établit à deux, au fil des années, de façon respectueuse et consentie. Mais la responsabilité incombe aussi aux parents, qui doivent arrêter de jouer les naïfs : aujourd’hui, ils savent très bien que la pornographie est facilement accessible. Ils doivent prendre au sérieux le contrôle parental mais surtout l’échange et la discussion. En 2022, nous ne devons plus avoir peur des discussions embarrassantes à ce sujet avec nos enfants. L’école doit-elle aussi jouer un rôle plus important : l’éducation sexuelle est très efficace concernant la contraception et la prévention des MST. En revanche, elle n’est pas suffisante en matière de pornographie. En bref, qu’il s’agisse des parents, des enseignants comme des enfants, le secret réside dans le dialogue.

(Entretien au Figaro.fr, octobre 2022)

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